dimanche 6 mai 2007

"Le Monde" prend parti pour Ségolène Royal

Dans son éditorial intitulé "Deux France" du numéro daté de vendredi du "Monde", Jean-Marie Colombani écrit:

"L'ascenseur social est en panne non seulement pour ceux qui sont au bas de l'échelle, mais pour une partie toujours croissante de cette classe moyenne. Malgré une lisibilité insuffisante, le projet de Ségolène Royal est tout entier centré sur cette problématique. Et c'est avec raison qu'elle fait de la refonte du dialogue social la clé du retour de la confiance.

La crise de la valeur travail, selon Ségolène Royal, n'est pas celle du désir individuel de travailler, mais celle de la capacité à travailler ensemble. Son dispositif tend tout entier à remettre en confiance les classes moyennes, à leur redonner une mobilité qui fait défaut, en même temps que la réassurance que donne, à celles-ci, des services publics puissants et modernisés.

Nicolas Sarkozy, au fond, a une vision plus "américaine", en ce sens que les dispositifs qu'il imagine (notamment fiscaux : le bouclier fiscal à 50 % n'est jamais qu'une façon d'éliminer de fait l'ISF) favorisent le haut de la pyramide sociale. Ses accents industrialistes, mais aussi protectionnistes, lui permettent, dans le même temps, d'être entendu des milieux ouvriers. Il défend donc le haut et le bas de la société, au nom d'une vision qui évoque le "conservatisme compassionnel" des conservateurs américains : il faut encourager les "riches" à investir, de façon à redonner du travail au plus grand nombre.

Ce qui gêne, chez M. Sarkozy, outre un renvoi classique à la vieille lutte des classes, c'est aussi une conception revancharde de l'histoire. Avoir centré sa campagne d'entre-deux-tours sur la dénonciation de l'héritage de Mai 68 est le signe clair d'une volonté de revanche idéologique. Ce qui embarrasse, c'est cette façon d'opposer les "travailleurs" aux "tricheurs", ceux qui se lèvent tôt aux paresseux, comme s'il lui fallait toujours être à la recherche d'un ennemi. Bref, une conception qui antagonise; et qui, à l'inverse, rend crédible la démarche de Mme Royal, laquelle refuse précisément cette dichotomie.

La qualité de la relation que Nicolas Sarkozy entretient avec Martin Bouygues, Arnaud Lagardère ou Serge Dassault est la marque d'une puissance potentielle dans les médias qui appelle une vigilance de tous les instants".

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